La peinture murale de saint Christophe

documentation, bulletin de la société archéologique et historique du Limousin , tome XXXIII

Jusqu'en 1950, de grands panneaux en bois imitant le marbre et soutenant des autels recouvraient les murs de l'abbatiale. On décida alors de les enlever pour mettre à nu le bel appareillage de la pierre. L'enduit à la chaux recouvrant le pilier droit laissait apparaître des traces de couleurs et une fois enlevé fit place à une peinture murale de 5m de haut sur 3,20 dont le bas était détruit. L'humidité risquait de continuer à l'abîmer.

En 2002 la peinture fut déposée, restaurée puis placée sur un support inerte dissocié du mur.

 

 

Cette peinture reprend librement la "légende dorée" du dominicain Jacques de Voragine (XIIIe siècle) à laquelle elle ajoute ce qui semble être le rappel d'un incident et peut-être d'un voeu ainsi que des armoiries de donateurs.

Saint Christophe, de son véritable nom Reprobus (le réprouvé) était originaire du pays de Chanaan où vivaient des géants (entre autres Goliath). Il mesurait, dit-on, 12 coudées soit 4 m ! C'est précisément avec cette taille que la peinture le représente... Résolu à ne servir que le maître le plus puissant, il alla tout d'abord chez un prince. Le château en haut à droite pourrait relater cet épisode.

 

 

Mais ce prince avait peur du diable et Reprobus le quitta pour se mettre au service du diable. Au détour d'un chemin, tous deux rencontrèrent une croix et la voyant, le diable prit la fuite.

On aperçoit sous le château un dragon (le diable) qui s'écarte d'un calvaire et que Reprobus, en costume du Moyen-Âge (du règne de Charles VII plus précisément) s'apprête à quitter pour chercher ce Christ capable de faire fuir le diable.

 

Au-dessus, une licorne, symbole de pureté, pourrait représenter le Christ.

 

Tout à sa recherche, Reprobus rencontra un ermite du nom de Babylas auquel un corbeau apportait quotidiennement du pain. On voit à gauche un ermite sortir d'une toute petite chapelle surmontée d'une cloche et un oiseau noir. Mais Reprobus avait servi le diable et Babylas lui imposa une pénitence : faire traverser le fleuve aux pélerins en les transportant sur ses larges épaules puisqu'il n'y avait pas de pont.

Un jour qu'il transportait un enfant, il faillit se noyer car cet enfant était très lourd : c'était Jésus portant tout le poids du monde. Reprobus devint alors Christophoros "celui qui porte le Christ". La peinture représente Christophe, manteau vert doublé de rouge sur lequel apparaissent deux personnages, un laïc et un religieux. Ses pieds disparaissent dans le fleuve et il s'arque-boute avec difficulté sur un grand bâton mal équarri. Il porte sur ses épaules le Christ, la tête auréolée d'un nimbe, la main droite dressée en signe de bénédiction, le pied gauche dans la main de son porteur.
Après cette aventure, Christophe alla prêcher le christianisme. Il planta en terre son bâton qui se couvrit de palmes et de dattes suscitant la conversion de nombreux spectateurs. Mais le préfet Dagnus le fit jeter en prison. En haut à gauche, on aperçoit un palais de style oriental. Au milieu, s'ouvre une fenêtre munie de barreaux à travers lesquels apparaît un prisonnier.
N'ayant pas renié sa foi, Christophe fut condammé à mort, 400 archers étaient chargés de le transpercer. On en voit un seul sur la peinture face à un homme nu attaché à un poteau. Derrière lui, un personnage barbu coiffé d'une sorte de tiare assiste à la scène. On aperçoit une flèche qui vient de se ficher dans son oeil. En effet, aucune des flèches décochées à Christophe ne l'atteignit et l'une d'elles, s'étant retournée, alla crever un oeil du préfet. Ce que voyant, Christophe présenta lui-même sa tête au bourreau afin que son sang délayé avec de la boue rende la vue à la victime. Devant ce miracle, ce dernier se convertit et avec lui sa famille et de nombreux assistants.

En bas de la peinture, on aperçoit un navire, d'un modèle usité aux XIVe et XVe siècles, sans rapport avec la légende. Une vigie guette l'horizon depuis la hune, un passager semble tendre quelque chose à un monstre marin et un autre passager parait bien mal en point. De grands monstres marins infestent l'eau. Au mât est accroché un écu armorié semblable au blason de la famille Bony de La Vergne Toute cette scène illustre vraisemblablement un épisode tragique au cours duquel des navigateurs de cette famille se sont mis sous la protection de saint Christophe.

 

En bas à gauche, on voit un chevalier revêtu de son armure, épée au côté et mains jointes ayant devant lui un grand casque surmonté d'une plume d'un modèle employé au XVe siècle. Au-dessus de cet orant, un écu porte les armes suivantes : "Écartelé : aux 1 et 4, de gueules à trois annelets d'argent ; aux 2 et 3, de gueules à la fasce d'argent accompagnée en chef de trois étoiles de même, rangées en fasce" Les armes des 1 et 4 quartiers sont celles des Bony. L'abbé Martial Bony de La Vergne fit sculpter les stalles et est vraisemblablement l'un des donateurs à l'origine de la peinture. Il avait un frère prénommé Christophe. Les autres armes sont sans doute celles d'un deuxième donateur mais elles nous sont encore inconnues.

 

   

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